lundi 8 avril 2013

La normalité, c'est très surfait...

Ça fait un moment que je me pose des questions sur le bien-fondé et surtout la bonne utilisation du dépistage prénatal de la Trisomie 21.

Personnellement, pour GrandMarmot, je ne l'ai pas fait. J'avais 26 ans, et un souvenir marquant de mon stage de gynéco d'externe. Une jeune femme de 26 ans, venant subir une amniocentèse car le résultat du test sanguin était à 1/250. Elle faisait peine à voir tellement elle était affolée, et je m'étais promis que cela ne passerait pas par moi. Puis j'ai dû oublier, et j'ai un peu vieilli. Et puis M. Kalee ne partage pas toujours mon insouciance. Alors pour PetitMarmot je l'ai fait. Heureusement RAS.

Je ne suis pas fondamentalement contre l'existence de ce test. Par contre je dois avouer que je suis assez mal à l'aise de la façon dont on le présente aux femmes, et de ce qu'il enclenche comme conséquences.

Ce test, on doit le proposer à toutes les femmes enceintes, et pour bien faire le job, il faudrait accompagner sa prescription d'un bon quart d'heure d'explications et de discussion avec la femme (ou mieux, le couple). Soyons francs, c'est rarement le cas.
Juste pour rire, voici comment ça s'est passé pour GrandMarmot (suivi par Mme gynéco libérale, cf article pré-précédent): "Tenez, signez-là, c'est pour le dépistage de la trisomie 21." "Euh oui, mais en fait je ne souhaite pas le faire" "Ah bon? Quelle drôle d'idée! Bon ben alors remplissez moi quand même le papier, en précisant que vous ne voulez pas faire le test. Qu'on ne vienne pas me reprocher de pas vous l'avoir proposé quand vous aurez votre petit trisomique." Hum. Je me suis bien sentie écoutée et respectée dans mes convictions. 

Combien de femmes/couples sont informés que le résultat ne veut pas dire oui/non, mais une estimation de risque? Que si risque il y a, l'étape suivante est l'amniocentèse (ou autre type de prélèvement selon le terme de la grossesse)? Qu'un bon résultat au test n'écarte pas complètement le risque? Que l'amniocentèse comporte un risque de fausse-couche non négligeable? (Je ne veux pas dire de conneries, et je n'ai plus les chiffres exacts en tête, mais il me semble autour de 1%) Que pour un enfant trisomique dépisté, on perd un enfant "normal"? (pareil, je ne peux pas vous sourcer ce chiffre, je l'ai appris en cours. J'espère qu'il est toujours juste? Si vous avez des chiffres officiels et à jour, je suis preneuse.)

Dans la série des chiffres que je sais pas d'où ils viennent, on me dit dans mon oreillette qu'à l'heure actuelle 96% des enfants trisomiques dépistés ne voient pas le jour. Je sais pas, mais moi ça me pose question. Je ne nie pas du tout que la Trisomie 21 soit un handicap grave. Mais je pense que c'est un handicap qui dérange plus la société que son porteur. J'ai vu un jour parler à la télé un grand ponte de la médecine prénatale (là encore ma mémoire me fait défaut, je dirais que ça devait être soit I. Nisand soit R. Frydman), et ce qu'il a dit m'a marqué (plus que la personne en tout cas!): "la majorité des trisomiques sont heureux!"
Effectivement, les quelques trisomiques qu'il m'a été donné de soigner n'avaient pas l'air plus malheureux que ça. Un de mes maîtres de stage d'internat était papa d'un petit garçon trisomique (non choisi car dépisté à la naissance), et il ne le regrettait pas.
Alors bien sûr, en tant que parent, c'est difficile d'imaginer élever un enfant qui ne saura peut-être jamais lire ni écrire, qui ne sera jamais indépendant. Que deviendra-t-il quand on ne sera plus là? Qui viendra nous relayer quand nous serons épuisés?
Et puis oui, les enfants trisomiques sont plus à risque de pathologies cardiaques (M. Kalee a dû soigner pendant son internat un jeune homme trisomique d'une vingtaine d'années, souffrant d'une cardiomyopathie terminale, ça l'a un peu traumatisé), de leucémie aussi. Oui, c'est vrai. Mais est-ce suffisant pour ne même pas leur donner leur chance? 

Actuellement, en France, on le sait, les capacités d'accueil des handicapés, qu'ils soient enfants ou adultes, sont loin d'être adaptées.
Moi, ce que je comprends de cet état de fait, c'est ça: On vous donne la possibilité de savoir avant la naissance si votre enfant est trisomique. S'il l'est, vous avez la possibilité de ne pas le garder. Alors si vous décidez de le garder, ou si vous prenez le risque de ne pas savoir, eh bien après, vous assumez. N'attendez pas que la société vienne vous aider. Vous serez seuls pour vous démerder.
Pas très rassurant. Je comprends fort bien que présenté comme ça, bien des parents ne se sentent pas les épaules d'assumer. Perso j'y réfléchirai aussi à deux fois.
La société française n'a aucune place à proposer aux handicapés en général et aux trisomiques en particulier.

Laissez-moi vous conter une petite anecdote. L'un de mes pires souvenirs d'internat fut justement le théâtre d'une annonce diagnostique de trisomie 21.
J'étais interne en dernier semestre, en stage ambulatoire, et en complément de mes journées en cabinet de MG, je faisais une fois par semaine des consultations de gynéco-obstétrique à l'hôpital.
Ce jour-là, avec ma "tutrice", nous devions voir un couple pour leur annoncer que leur enfant était trisomique. Nous étions au coeur de l'été, et la gynéco qui suivait ce couple habituellement était en vacances. Le diagnostic leur serait donc annoncé par une gynéco qu'ils ne connaissaient pas, flanquée d'une interne qu'ils ne connaissaient pas. Déjà ça partait mal. C'était un couple "recomposé", la dame avait 39 ans ou à peu près. Ils s'étaient dit, tiens, si on se tentait un petit, après il sera trop tard.
On s'était installé dans le bureau de consultation. Je ne sais plus à quel terme était madame, mais son ventre était déjà bien rond. L'atmosphère était à couper au couteau.
Je ne sais plus comment la gynéco a amené le truc, mais au bout de quelques minutes les mots étaient dits: "Trisomie 21". Madame a éclaté en sanglots, Monsieur a lâché un "Putain!".
Manifestement la gynéco ne savait pas comment enchaîner. Moi je me sentait tellement mal à l'aise que j'aurais voulu me fondre dans le mur derrière moi.
Au bout de quelques instants, la gynéco a prononcé ces mots: "Bon, alors certaines personnes désirent les garder, pour des raisons religieuses le plus souvent, mais bon." Et d'embrayer sur l'organisation de l'interruption de grossesse. Je dois dire que je suis restée horrifiée par cette façon de présenter les choses. J'ai suivi le reste de la consultation au radar, tellement j'étais sur le c.. d'avoir entendu ça. Les parents sont ensuite partis avec la surveillante de la mater pour les détails logistiques.
J'avais envie de leur courir derrière et de leur dire "Attendez! Vous êtes sous le choc de l'annonce. Il ne faut surtout pas prendre de décisions sous le choc d'une annonce. PRENEZ DU TEMPS. Réfléchissez. Il n'y a pas urgence. Discutez entre vous, contactez des gens qui ont un enfant trisomique, parlez avec eux!"
Alors j'en sais rien, peut-être qu'ils avaient déjà fait tout ça avant, en attendant le résultat. Mais putain, pas UNE FOIS la gynéco n'a abordé avec eux la possibilité de le garder, sauf de la façon suscitée, ou même de prendre plus de temps pour réfléchir. Non, pour elle la décision avait l'air d'être simple et limpide.
Comment voulez-vous, avec une présentation pareille, que les parents arrivent à prendre du recul, à se laisser le temps de digérer la nouvelle avant de prendre une décision?

Je ne sais pas comment je réagirais si on m'annonçait ce diagnostic. Pour ce genre de chose, on ne peut jamais savoir comment on réagirait avant d'être confronté au problème.
Mais j'imagine. Je pense que je pleurerais, oui très certainement. Tout un futur remis en question, ça mérite bien ça.On en parlerait avec M. Kalee, les yeux dans les yeux. J'imagine que je convoquerais un conseil de famille, pour leur annoncer et savoir ce qu'ils en pensent. Seraient-ils prêts à nous soutenir si on décidait de le garder? Je rappellerais mon ancien maître de stage pour le revoir, en parler avec lui. J'irais rencontrer des gens dans des associations, parler avec des parents qui vivent avec ces enfants, histoire d'appréhender ce que c'est vraiment au quotidien. Ensuite je prendrais le temps de réfléchir. J'espère que M. Kalee et moi trouverions un terrain d'entente.

Je sais que c'est dur à gérer pour les familles. Mais je reste persuadée que si la société voulait bien offrir une place à ces enfants, et à ces adultes, si les parents savaient qu'ils seront épaulés, qu'ils auront une place facilement dans une institution adaptée au degré de handicap de leur enfant, que ce ne sera pas toujours le parcours du combattant pour l'inscrire à l'école, pour avoir une AVS... je pense que plus de gens tenteraient l'aventure. Plus de familles accueilleraient ces petits pas comme les autres, mais aussi riches, voire bien plus riches que les autres, et souvent débordants de joie de vivre.
Manifestement la société française a fait son choix, et ce n'est pas celui-là. Ça me rend triste de penser que nous nous privons d'autant d'enfants aussi dignes d'être aimés que les autres, et qui pourraient nous apprendre bien des choses.
Comme je disais dans mon post précédent, la normalité c'est très surfait. (Je crois que cette phrase va devenir ma devise!)

Bien, pour clore ce billet, sachez que ce texte ne reflète que MON opinion, et je n'oblige personne à la partager. Si vous n'êtes pas d'accord, vous avez le droit de le dire, ou pas, comme vous voulez, mais merci de rester COURTOIS.
Si vous êtes parent ou si vous vous occupez d'enfants trisomiques et que vous souhaitez nous faire partager votre témoignage, ce sera avec plaisir.

Comme d'habitude, quelques liens pour finir:
http://www.ladifferenceestunechance.com/ Elle est pas choupi cette minette?? Lisez les témoignages de parents. On trouve aussi des références de livres pour enfants et adultes pour s'informer sur la Trisomie 21.
Trisomique... et alors! Campagne internationale
Un blog animé par des parents d'enfants trisomiques.
Eléonore, une belle jeune femme
Parfois, un trisomique est capable de faire ça. C'est juste Génial.


Edit du 10/04/2013

J'aimerai apporter quelques précisions car il semble que certains de mes propos aient été mal interprétés. J'ai eu beaucoup de commentaires sur cet article par mes relations twitterales, qui m'ont fait réaliser que ce que je voulais dire peut parfois être compris de travers. Il est compliqué de restituer précisément sa pensée sur un sujet aussi sensible, et je me rends compte que l'intonation avec laquelle on pourrait dire quelque chose par oral est très importante pour la compréhension du sens du message, ce qui bien sûr à l'écrit est réduit à zéro.

Alors quelques éclarcissements:
Je n'ai jamais souhaité pointer du doigt ou stigmatiser les parents qui ont fait le choix de mettre un terme à la grossesse après un diagnostic de T21. Je le comprends tout à fait, et cela ne me choque pas. Il est même possible que j'en vienne à faire ce choix si je m'y retrouvais confrontée. Ce qui m'interroge c'est la systématisation de ce processus (96% quand même), et le fait que le corps médical et la société toute entière poussent les parents dans cette direction, implicitement bien entendu, par la façon de présenter le "choix", (qui dès lors n'en est plus vraiment un), et par l'absence de structures aidantes pour ceux qui décideraient du choix inverse.
On me fait remarquer sur Twitter, je cite: ""La différence est une chance". Désolée mais dans notre société non." Oui, tout à fait, et c'est justement ça, l'objet de mon questionnement. C'est le fait que la société fasse en sorte de rendre la vie de ces familles impossible, de sorte que le seul choix "raisonnable" pour elles devienne l'interruption de grossesse, et permette ainsi d'économiser le coût de la prise en charge médico-sociale correcte de ces enfants.
Je suis persuadée que si les parents savaient que des places seront facilement disponibles en institution adaptée, que leurs enfants, s'ils en ont la capacité, trouveront facilement une place dans une école avec les aménagements nécessaires, s'ils savaient enfin que les structures existent pour prendre en charge le trisomique adulte afin que la prise en charge ne se répercute pas sur la fratrie, un plus grand nombre pourraient décider de poursuivre la grossesse.
Malheureusement notre société en a décidé autrement, et de là je comprends tout à fait que des parents souhaitent éviter à leur enfant, leurs autres enfants et à eux-mêmes une vie de galère.

Un autre point que je souhaite éclaircir:
On m'a fait remarquer qu'un certain nombre des liens que j'ai mis en bas d'article peuvent amener à se retrouver sur le site de la Fondation Jérôme Lejeune, une fondation qui s'occupe de promouvoir la recherche médicale sur les maladies génétiques, mais qui est également inscrite dans une politique pro-vie à tout prix et notamment anti-IVG. Ceux qui me fréquentent sur Twitter savent bien que je ne défend aucunement ce genre de thèse. L'IVG et l'IMG sont pour moi des droits fondamentaux, et comme disait récemment une de mes twittamies (@mamanstestent si je me souviens bien), je serais prête à descendre à poil dans la rue pour les défendre. J'espère que ça ne sera pas nécessaire, parce que comment dire, à poil dans la rue, hum... Je pense que je serais pas super à l'aise...
J'ai hésité entre supprimer ces liens et les laisser. J'ai décider de les laisser, pour que vous puissiez prendre connaissance de tous les acteurs du dossier, et pour montrer que sur des questions aussi délicates et sensibles, le glissement idéologique survient rapidement, et qu'il faut donc toujours rester vigilant. A bon entendeur...

22 commentaires:

  1. J'ai été AVS d'u petit garçon trisomique de 5ans dont les parents ne parlaient pas français. La directrice de l'école où il était scolarisé s'est mise en quatre pour qu'il puisse être pris en charge le mieux possible car ses parents n'étaient pas en mesure des faire les démarches. Donc parfois dans le labyrinthe des administrations, il y a quand même des gens qui font leur possible pour aider.

    Il était très attachant et attaché à sa maman, heureux de vire et capable de beaucoup et même parfois mieux que les autres notamment dans les activités manuelles et motrices. Je tâcherais de ne pas l'oublier et surtout si ce genre de problème m'était posé. Merci pour le post!

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  2. Très chère Doc,
    Je réagis à votre post à plusieurs titres : celui de petite soeur d'autiste et celui de maman (x2 + 1 en cours)
    Commençons par petite soeur d'autiste : 1 enfant/150 est touché par l'autisme et il n'existe pas de diagnostique prénatal. Autant vous dire que quand je suis devenue maman, ma plus grosse trouille était d'avoir un enfant autiste. Parce que l'autisme, ça fait mal, parce que c'est dur, pour ma soeur, pour mes parents, pour moi. C'est en grande partie du à ce que vous citez "si la société voulait bien offrir une place à ces personnes". En effet, elle ne le veut pas, c'est un parcours du combattant permanent, une justification de tout, vis à vis de l’administration, du regard des autres (ou quand la charité et la sympathie sont occultées par le voyeurisme à la con) Des batailles de tout le jour pour tout et rien. Bref, c'est moche.Et je pense que ce combat là il est commun à bons nombres de handicaps, même les plus "médiatisés" ou "sympathiques". Si si, j'ai bien dit handicap sympathiques, parce que non, la plupart du temps, e n'est pas choupinou le handicap, c'est moche, ça sent mauvais, c'est tordu.
    Quant à la maman enceinte, je souhaiterais en effet qu'il soit clairement rappelé que ce n'est qu'une évaluation, que ça ne protège en rien le foetus, que les examens complémentaires peuvent être dangereux.
    Et pour faire un peu de mauvais esprit (qui me caractérise souvent), j'emprunterais ses mots à l'écrivain Jean Vautrin, lui-même parent d'un austiste "la trisomie, c'est la Rolls du handicap"
    Ce que vous décrivez (diagnostique trisomie = IMG), c'est naze parce que ce n'est pas équilibré, je partage votre avis. Surtout sur le recul à prendre avec une décision si importante.

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    1. Tout à fait d'accord avec vous sur la difficulté de vivre avec l'autisme. Et effectivement il n'y a pas de test prénatal donc on en peut même pas s'y "préparer". Et puis l'autisme est un vaste monde avec tellement de différentes composantes, que finalement "autiste", sans précision, ne veut pas dire grand chose. J'ai une personne dans ma famille atteinte du Syndrome d'Asperger, et bien que ce soit loin d'être la forme la plus lourde d'autisme, c'est déjà bien encombrant.
      Je suis mille fois admirative des parents qui se battent pour élever ces enfants-là.

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    2. En fait, malgré la difficulté et les moments affreux de la vie des parents ou frangins de Zozos (terme affectueux pour désigner les z'autistes), on vit aussi. On fait parce que c'est comme ça et que c'est notre normalité. Elle s'est imposée à nous, à elle. On n'a pas choisi. Alors certes, c'est pas tous les jours aussi marrants qu'élever un enfant sans handicap mais ce n'est pas non plus un long calvaire. Sauf comme l'explique 'anonyme' dans le dernier commentaire, le vieillissement des parents et le report sur les fratries. Mais, l'amour existe avec le handicap. Si je vous jure, y a des jours où on s'est bien marré, avec elle et grâce à elle.

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  3. Bonjour

    On a du avoir de la chance, puisque c'est comme ça que cela nous a été présenté : une analyse du risque, avec en cas de "doute" la possibilité d'un amniocentèse pour confirmer / infirmer.

    Après le test, et avant le résultat, la grande question était : et si c'est positif, on fait quoi ?
    On peut faire l'amniocentèse, pour être sur, puis décidé d'avorter.
    On peut faire l'amniocentèse, pour savoir. Et vivre avec.
    Ou ne pas la faire, et savoir que l'enfant sera peut être concerné. (C'était la solution que je préférais à l'époque : savoir et pouvoir me préparer me suffisait)

    Mais clairement, on est content quand on a un résultat "bon" après coup.

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  4. j'avais toujours dit ,"j'attend un bébé trisomique, c'est sur, j'avorte" et puis le facteur de risque n'était pas bon, il fallait faire une amniocentèse et en attendant les résultats ma certitude s'est effritée. Comment aurais-je pu mettre fin à la vie de mon bébé que je sentais dans mon ventre. Finalement, nous n'avons pas eu à prendre de décision, ouf! Toutes nos certitudes ne valent rien face à la réalité!

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  5. Je partage complètement ton ressenti et ton analyse. Pour moi c'est une zone grise, dans laquelle je ne suis pas trop à l'aise. Je colle peut être un peu la trouille à mes patients, parce que je le passe, le temps à rallonge à expliquer tout le dépistage, et qu'on est pas obligé de faire l'étape suivante, et qu'on peut s'arrêter et réfléchir à toutes les étapes. Et qu'il vaut mieux réfléchir à ce qu'on ferait avant d'avoir les résultats. Histoire d'y penser dans un moment où on est pas sous le choc d'une mauvaise nouvelle.
    Merci pour ce billet.
    Farfadoc

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    1. ...finalement, cet enfant est quand même handicapé, ce n'est aucunement une anomalie chromosomique et en partie la responsabilité du médecin gynécologue...Quand je lis vos blogs, je me demande si vous existez "pour de vrai" tellement vous êtes éloignés des praticiens que je pratique. On s'éloigne du sujet mais c'est moi qui ait rappelé à mon généraliste que les antibiotiques c'est pas automatique!

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  6. Merci pour cet article.
    J'ai vécu jusqu'à l'âge de 21 ans avec un oncle trisomique à la maison 6 mois par an. Partagé entre les 2 soeurs moitié/moitié pour que l'organisation soit moins lourde.
    Oui il était heureux parmi nous, c'est indéniable et jusqu'au bout. Je ne vais pas vous refaire ma vie, la sienne, la notre...Juste que quand j'ai été enceinte, j'ai été vraiment vraiment traumatisée à l'idée d'attendre un trisomique. Je vivais la trisomie au quotidien, je sais de quoi je n'avais pas envie pour mon propre enfant, ma propre famille. Monstrueusement égoïste très certainement.
    J'ai tout fait pour avoir une amnio que mon gynéco m'a refusé, tous les indicateurs étaient au vert.
    Pour l'avoir vécue et vraiment, mais vraiment sans provoquer ni offenser personne, non la trisomie n'est pas un cadeau, même dans notre pays "développé" en 2013 pour tout un tas de raison que tu as très bien développé plus haut.
    Merci pour ce billet.

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  7. Je suis complètement d'accord avec toi sur certains points : la façon de présenter le dépistage, puis les annonces qui suivent avec l'amniocentèse et le résultat, etc, jouent forcément sur le choix des parents. Et en effet, implicitement comme on t'a proposé de ne pas le garder, si tu le gardes, c'est à toi de l'assumer.
    Pour le reste, je suis plus dubitative.
    Pour moi, ça ne sert à rien de fantasmer sur la décision qu'on prendrait. Dans ce domaine, on peut toujours imaginer. C'est un cataclysme, face auquel on est deux à devoir prendre une décision. Et ça ne se passe jamais comme prévu.
    Pendant longtemps, j'ai pensé que si j'avais un enfant trisomique, je le garderais. Parce que j'en connaissais une quand j'étais petite. Elle est morte alors que j'avais 22 ans. Je l'ai toujours vue heureuse. Parfois en colère, mais pas plus qu'un autre enfant un peu colérique.
    Et puis j'ai travaillé en centre pour travailleurs handicapés, où il y avait des trisomiques. J'ai côtoyé leurs familles, leurs parents, leurs frères et soeurs, je les ai vus vivre, les difficultés qu'ils ont dans un monde dont ils n'ont pas les clés. J'a vu les questions sur leurs avenirs, le poids sur la famille entière. Et j'ai changé d'avis.
    Le fait de vieillir influence aussi. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour avoir un enfant. Ce n'est pas d'un enfant trisomique dont nous rêvons, c'est d'un enfant que nous regarderions apprendre à marcher, à qui j'apprendrais à regarder les insectes, à qui nous apprendrions la musique, etc. Alors le fait d'avoir l'impression que le temps se réduit joue probablement.

    Mais surtout il ne faut pas idéaliser le fait d'avoir un enfant trisomique. Non, ce n'est pas un enfant comme un autre. Pour de nombreux parents, c'est l'angoisse de ne pas savoir ce qu'il se passera quand ils ne seront plus là pour s'occuper de leur enfant. Et certains, quand ils ont choisi de garder un enfant et voient ses difficultés, culpabilisent énormément d'avoir été "égoistes" et de n'avoir pas pensé à plus tard. Et puis quand les parents ne sont plus capables de s'en occuper, la fratrie doit prendre le relai. J'ai vu des gens devoir s'occuper de leurs parents Alzheimer et de leur frère trisomique. Quelle vie...
    L'idée d'en parler avec des parents est une bonne idée, mais pas seulement avec des parents de jeunes enfants, il faut voir plus loin.

    Alors oui, les enfants trisomiques peuvent être très heureux, mais il ne faut pas présenter ça comme si c'était génial. Ni le garder pour se donner la fausse impression qu'on fait "quelquechose de bien".

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    1. Bien entendu, je pense que personne ne "rêve" d'avoir un enfant trisomique. Et bien entendu, ce n'est pas "génial". Je n'ai pas voulu par cet article idéaliser cela, rendre la trisomie 21 glamour, ou sexy ou je ne sais quoi. Juste la reflexion que le société ne fait pas beaucoup d'effort pour aider les parents à faire un vrai choix.

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  8. Il est bien, ce post. Très très bien et très pudique.
    Et puis il tombe rudement bien: j'ai appris ce matin que je suis enceinte. J'ai 38 ans. L'âge à partir duquel on rembourse systématiquement l'amniocentèse.

    J'admire les gens qui se sentiraient capable d'élever un enfant handicapé, quel qu'il soit. Mais moi je sais que je n'en aurais jamais la force.
    Le désir d'enfant est forcément égoïste. Lui ne demande jamais à voir le jour. Alors je serai égoïste jusqu'au bout. Je ne défends pas ma position. Ce n'est d'ailleurs pas une conviction, juste la mesure de ce dont je me sens capable. Ou incapable, en l’occurrence.

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  9. Très beau post.

    Enceinte du 1er après 3 fc et quatre longues années sans grossesse, j'ai perdu du sang les 4 premiers mois. Et 18kg (vive les vomissements gravidiques)
    Autant vous dire que quand on m'a annoncé un 1/125 de risque de trisomie, j'étais au 36eme dessous...
    Pourtant, je n'y croyais pas. L'écho des 12 semaines, le toubib nous avait justement dit que notre bébé avait "un beau nez bien fait", qui écarte un peu ce risque de trisomie (car souvent, le nez est épaté, ça se voit à l'écho, toussa....)

    J'ai appris le résultat du test par téléphone, quand la secrétaire de ma gynéco m'a tel en me disant texto : "Bonjour, ici le secrétariat du Dr X. Nous souhaiterions vous voir en urgences demain matin, 10h"

    Wouah!!! Ca te met une sacré claque et à part ce foutu test, je voyais pas ce que ça pourrait être d'autre.
    Je me suis renseigné vite fait le soir, appeler mon doc traitant, pour entendre que ces tests ne sont pas du tout fiables, qu'il était question de revoir leur fonctionnement...

    Quand le gygy m'a sorti "Demain, on vous fait une amnio" à peine arrivé dans son cabinet, j'ai demandé des explications, j'avais l'impression de faire chier.

    Quand j'ai demandé s'il était possible de faire une seconde écho pour affiner ce test, ou une autre prise de sang, là, j'étais une rebelle.

    Non, j'avais pas le choix. Je voulais pas le faire, cette fichu amnio, par peur de la FC. Mais zhom flippait.

    Le jour de l'amnio, c'était un cauchemar. Pas de compassion, ni d'explication, rien.
    Ce jour là, j'ai dit à zhom "Si finalement, il n'y a rien, plus jamais je refais le test sanguin pour d'autres grossesses"

    J'ai appris que c'était négatif le jour de ma seconde écho. Soit 7 semaines plus tard. Oui, oui, 7 semaines "Oups, on retrouvait pas votre dossier"
    Il aura fallu que l'échographiste refuse de faire mon écho tant qu'on ne saurait pas pour qu'enfin, le labo se bouge!

    Bref, j'ai tenu ma promesse, pas de tests prénataux pour les 2 autres... Et je ne m'en suis pas portée plus mal.

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  10. Je ne peux m'empêcher de penser que mon rôle de papa est de tout faire pour que mes enfants aient les meilleures chances dans la vie. Si le principe est très vague, il s'applique au quotidien : prendre le temps pour les devoirs, apprendre à nager, s'initier au dessin ou à la musique le plus tôt possible; fournir des clés pour leur permettre l'évoluer ensuite librement dans notre société.
    Dans la même idée, il était impensable pour moi de faire un enfant avec une fumeuse, ou de laisser ma femme boire (hors doses 'homéopathiques') pendant ses grossesses. Cela peut paraître sexiste mais cela concoure de la même idée : faire de notre mieux pour l'avenir de nos enfants.

    J'ai envisagé à l'époque le test de la trisomie de la même façon, partant de l'idée que la trisomie est comme avoir un boulet au pied; on peut vivre avec (et être heureux) mais c'est plus facile sans. Le rapport bénéfice/risque me semblait (et me semble toujours) très favorable même en prenant en compte le risque de fausse couche lié à une éventuelle amniosynthèse.

    Au final, les test, amniosynthèse et éventuelle IVG sont de la responsabilité des futurs/potentiels parents, le rôle des médecins étant à mon sens d'apporter la meilleure information possible pour permettre un choix éclairé.

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  11. Merci pour ce bel article, c'est une réflexion malheureusement encore trop rare dans les milieux médicaux!
    Et ça me renvoie également à un stage d'externe en gynéco, qui m'avait beaucoup remuée...

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  12. J'aime bien l'idée générale.
    Mais en tant que maman d'une enfant handicapée mentale, j'aime pas trop le "je pense que plus de gens tenteraient l'aventure". C'est le terme "aventure" qui me gêne....
    Effectivement notre Nouchette est heureuse et nous aussi. Mais la vie est extrêmement difficile. Et lorsqu'on nous en a proposés d'autres, nous avons gentiment décliné l'offre...
    Si l'histoire de Nouchette vous intéresse, vous la trouverez ici : http://xercin.blogspot.com

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  13. Billets et commentaires très intéressants...

    Je suis au final assez contente de me rendre compte que ce que tu présentes comme "ce qui devrait être fait" c'est ce que je fais.

    Réfléchissez, c'est un calcul de risque, c'est pas du 100%. Si vous faites le test, voilà ce qui vous attend. Quelles sont vos convictions ? Si vous souhaitez "dans tous les cas" garder l'enfant, avez-vous vraiment un interêt à le faire ? Peut être simplement pour vous préparer ?

    Chez nous, les prescriptions sont faites par les gynécos le jour de la 1ère écho. J'en parle lors de la première consultation de grossesse, ce qui leur laisse le temps de réfléchir avant que le gynéco leur balance le papier avec +/- d'explications.

    Pour mes 2 grossesses, tout le monde est semble-t-il parti du principe que "je connaissais donc pas besoin d'explications".
    Et comme dit précédemment, il y a ce qu'on s'imagine faire en se projetant à la place des autres... et ce qu'on fera vraiment une fois concernés.
    Oui spontanément j'ai envie de dire "j'accueillerais cet enfant tel qu'il est, et je ferais tout ce que je peux pour lui"
    mais si j'étais vraiment concernée, est-ce que je serais prête à nous imposer ça, à nous parents, à lui, à sa sœur ?
    Et à l'inverse, je peux me dire que je préfèrerais dans tous les cas interrompre ma grossesse et ne pas m'en sentir capable le moment venu.
    Mon cousin est trisomique, et avec le soutien et l'investissement énorme de ses parents, il est pour l'instant bien intégré, relativement autonome, et oui effectivement heureux. Ses frères semblent bien vivre le handicap de leur frère.

    J'ai aussi une de mes meilleures amies, dont le frère est trisomique. Beaucoup de souffrance dans son vécu à elle, un frère désormais adulte qui n'est absolument pas autonome et vit toujours chez ses parents. Elle sait déjà que professionnellement et dans sa vie privée elle ne peut pas faire ce qu'elle aurait voulu, car son frère dépendra entièrement d'elle quand/si ses parents ne peuvent plus s'en charger.

    Donc oui oui, réflexion, explications et surtout surtout pas de précipitation.

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  14. Encore un superbe article, très bien écrit. Une vision que je partage complètement. Personnellement, ma femme a refusé de faire le test. Elle n'a même pas réfléchi. Je l'ai suivi à 100%. Ma fille est magnifique et tout va bien, mais si c'est à refaire pour un second, ce sera pareil.

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  15. Merci de partager cette vision! J'ai eu la "chance" que l'on m'ait expliqué le test pour ma 1ère grossesse (calcul d'un risque et non pas diagnostic). Je l'ai fait la 1ère fois sans trop réfléchir car présenté un peu comme "allant de soi".
    Pour la 2ème grossesse, je ne voulais pas faire le test, car me sentais incapable de prendre une décision si l'on m'annonçait qu'il y avait un risque important. Mais mon mari était plus mitigé et préférait savoir pour "s'y préparer mentalement au cas où" (= se préparer à accueillir un enfant peut-être différent, on était plutôt d'accord sur le fait de ne pas faire d'IMG). J'ai trouvé ça légitime et je l'ai fait le test.

    De manière générale, je partage totalement le point de vue de l'article: je trouve que c'est un premier pas vers l'eugénisme, la recherche de l'enfant parfait, et bientôt la recherche de certains critères (cela se fait déjà aux États-Unis, des cliniques privées offrent la possibilité de choisir le sexe de l'embryon implanté, -pour des couples sans aucun problème de fertilité- et un jour on pourra bientôt sans doute choir couleur des yeux, des cheveux, etc)
    L'eugénisme, cela prive une société de différences qui sont -à mon avis- essentielles à son évolution. Pensons à tous ces "handicapés" qui peuvent apporter des sourires, des lumières dans nos vies quotidiennes, ou même à des artistes ou de grands scientifiques (je pense par ex à S. Hawkins...) qui changent le monde!

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  16. Et donner le choix aux femmes... aux couples... aux familles. Ce test c'est peut être ça!

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    1. Bien sûr. Je ne dis absolument pas qu'il ne faut pas faire ce test. Je dis simplement qu'il est présenté de telle façon, et que la représentation du handicap dans notre société est telle que cela façonne une suite quasi immuable à ce test. Y a-t-il un VRAI choix éclairé? Ou est-il plus ou moins inconsciemment dicté par une société qui préfère s'économiser la prise en charge de ses citoyens différents?

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  17. Ma mere a mis au monde un enfant atteint d une trisomie (pas 21) diagnostiquee au dernier trimestre. Rare. Non viable. Il est ne, a vecu 10 jours.
    Pour le traumatisme qu a subit ma mere et ma famille, pour ces 10 jours de vie sous respirateur, moi j ai choisi de me faire depister pour mon premier enfant. Il va bien. Mais si cela n avait pas ete le cas, j aurais peut etre su, et j aurais pu choisir. Pas subir, surtout quand on n en a les moyens.

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